La Mélitte de la Lysimaque

#08

Architecture, master ENSAPLV
Louise Trano

Texte, master IEDES
Célia Rose

Cette petite infrastructure se propose d’accueillir la Mélitte de la Lysimaque : une petite abeille robuste moins poilue que ses cousines. Cette espèce a la particularité d’être terrestre, et de creuser ses galeries dans une terre meuble, d’une profondeur d’environ vingt-cinq centimètres. On peut la trouver en zone humide où elle vient creuser son abri dans la terre des berges à proximité immédiate de l’eau. La structure installée est un bloc de terre argilo siliceuse, banchée selon la technique du pisé, modérément compressée pour rester propice au creusement de galeries.

Le Lysimaque que butine la Mélitte ne produit pas de nectar. Il produit une huile très spécifique qui sert à l’abeille à nourrir ses larves et à enduire les cellules de son nid d’un revêtement hydrofuge. Outre cette espèce florale, la Mélitte se nourrit de Salicaire et d’Eupatoire, plantes qui ont été placées à proximité immédiate, autour du cube de terre où l’abeille est invitée à nicher. Cette structure vient donc proposer à la Mélitte un habitat adapté au plus près de ses besoins afin de peut-être pouvoir l’observer sur le sur le plan d’eau du jardin d’agronomie tropicale de Paris.

Louise Trano

Parmi les insectes, « ce peuple extraordinaire » mis en récit par Jean-Henri Fabre pour rendre visibles les invisibles, les mal-aimés et les biens trop souvent oubliés... penchons-nous sur l’abeille sauvage.

À son évocation, vous entendez son bourdonnement surgissant dans vos oreilles résonnant chez certains comme le grondement lointain d'une guerre oubliée, pendant que la peur s'insinue dans leurs mouvements. N’ayez crainte, car son dard, rarement brandi, ne demeure que l’ultime rempart de sa défense.

Que vous soyez près des rosiers, dans la forêt, à côté de ce plan d’eau, l’abeille est présente et bien visible pendant quelques secondes ou minutes, elle vous offre un ballet sonore et visuel. Entendez alors la douceur et la fluidité du son accompagnant ses mouvements, ses va-et-vient d’une fleur à une autre. Ce bourdonnement que vous entendez semble alors davantage ressembler au murmure calme et apaisant d'un court d’eau ou bien au doux bruissement des feuilles lorsque le vent souffle légèrement. L’abeille vous témoigne ici de son tempérament pacifique et de sa volonté de paix dans le royaume de la vie. Petit insecte et grande inconnue, au milieu de l’eau, au sein d’un amas végétal trône celle sans laquelle la vie serait impossible, la reine pollinisatrice.

Vêtue de son manteau impérial, fille de la lumière née des larmes de Ra (dieu solaire) tombées sur terre, elle est pourtant destinée, ouvrière sous l’essaim impérial de sa reine, à vivre en communauté, enfermée dans sa ruche, menant jour après jour un travail acharné. Dans ce jardin, ont-elles sûrement déjà observé, le même sort était réservé à des hommes victimes de leurs semblables. Qui bénéficie du fruit de ce dur labeur ? Celui qui vous considère comme simple ouvrière dont le devoir est de lui servir cet or sucré.

Envolez-vous de ce manteau ! Vous, cria Victor Hugo. Ruez- vous sur l’Homme ! Bien plus que de simples travailleuses au service de cet infâme, rappelez-lui qui vous êtes : des abeilles ! Vous qui servez la vie et ornez tout un pays, rappelez au peuple qui tremble son avenir sans vous, puisque les Hommes en ont désormais si peur. Qu’elle vive seule ou en communauté, chaque abeille que vous verrez mérite d’être préservée au risque de rencontrer « l’été sans fleurs vermeilles, la cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles ».

Portez une attention à cette abeille solitaire, guerrière oubliée qui a su s’émanciper. Son importance ne doit pas être sous-estimée ; hautement spécialisées, toutes les espèces d’abeilles ont en commun le rôle de pollinisatrices. Cependant, pour diverses raisons les abeilles sauvages sont souvent des pollinisatrices plus efficaces que les abeilles domestiques pour certaines plantes, comme celles sur ce plan d’eau qui ne pourraient exister sans nos vaillantes Mélittes de la lysimaque.

L'abeille apparaît continuellement dans nos vies ; selon plusieurs croyances, nous rencontrons cette dernière sur notre chemin lorsque nous portons un lourd fardeau sur vos épaules. Ce fardeau est celui de l’Humanité. L'abeille détient un rôle vital dans l'écosystème contribuant à la diversité des plantes et à la production de nourriture pour de nombreuses espèces, y compris la nôtre. Lorsqu’elle vous apparaît, rappelez-vous de notre propre interdépendance avec la nature et de notre responsabilité envers la planète.

Bien que souvent solitaires, vous les observez dans leur quête : les abeilles mènent une lutte collective acharnée, celle de nous inspirer, de nous encourager, voire parfois de nous intimider afin de nous sensibiliser à l'impact de nos actions sur l'environnement. Peut-être même de favoriser des comportements respectueux de la nature et de nous inciter à participer aussi activement qu’elles à la préservation de la biodiversité.

Tout comme l'abeille que nous avons aperçue ou bien-même entendue, nous pouvons contribuer, à notre échelle, à l'équilibre de notre planète. Bien que séparée, l’Humanité peut d’un élan commun partager et accomplir les tâches les plus ardues et les plus ingrates.

L’abeille va et vient, fouille, quête. Peut-être elle aussi lève parfois la tête, nous observe, et dans son bourdonnement qui nous effleure nous murmure : « Flâneur ! ».

Célia Rose

Abeille sauvage