Jardin flottant des libellules

#04

Architecture, master ENSAPLV
Eszter Zagyi

Texte, master IEDES
Constance Hauzy

Photo de l'installation

The installation was inspired by an enclosed, secluded, intimate garden, reminiscent of the hortus conclusus, which hides people from Calopteryx splendens in response to their shyness. The floating garden is divided into four separate sections, each planted with various aquatic plants favored by Calopteryx splendens, such as Sagittaria sagittifolia, Epilobium hirsutum, Iris pseudo acorus, Calla palustris, Lysimachia vulgaris, and Soleirolia soleirolii. Helxine tapissante serves as the foundation of the installation, requiring soil, which is present in all four parts of the floating garden. In the center of the installation, two wing-like sections are positioned within a circular opening, symbolically reflecting the wings of the dragonflies. Sustainable materials were incorporated into the design.

Eszter Zagyi

« Aiguille du diable », « crève œil », « tire sang », « pique serpent », « mouche dragon »

La libellule est un insecte qui est très présent dans les imaginaires de nombreuses sociétés, et ce depuis l’Antiquité. Les émotions, imaginaires, histoires qui lui sont associées ont énormément varié au cours du temps et dans l’espace, sans toutefois rendre compte de ce qu’est pleinement la libellule. Dans la mythologie germanique, les demoiselles sont les messagères de Freya, la déesse de l’amour. Mais elles étaient aussi mal perçues dans plusieurs cultures européennes où elles étaient associées au diable et inspiraient de la crainte. C’est le cas en Suède où on les appelait « acier du diable », et on croyait qu’elles avaient la capacité de peser les âmes. Elles sont à l’inverse perçues comme un symbole de courage et de victoire dans le Moyen-Âge japonais. Elles sont représentées sur les armures et les katanas des samouraïs ainsi que sur de nombreux objets du quotidien. De nombreux haïkus leur rendent hommage.

Ces imaginaires et les émotions qu’ils suscitent sont en fait très éloignés du monde de la libellule, ce qui nous empêche de les connaître et d’accéder à leur monde. C’est pourquoi notre installation jouera sur le décalage entre ces récits et le monde des libellules afin de permettre aux humains de s’ouvrir à une autre façon de percevoir et de sentir le monde.

… A la production d’un nouveau récit

Ce décalage permettra d’explorer les émotions que suscitent ces récits et celles que l’on ressent d’abord en contemplant une libellule dans son environnement, et celles que l’on ressent en en apprenant plus sur cet insecte. L’installation mêlera ainsi des représentations (images, poèmes, mythes) autour des libellules et des informations sur leur mode de vie afin d’éveiller la curiosité et l’observation des visiteurs. Les libellules ont généralement peur des humains, qui sont perçus comme une menace. Elles cherchent à éviter le bruit des activités humaines. Pour que l’installation puisse faire le lien entre les libellules et les humains, elle doit jouer sur le vu et le caché. Ici, ce sont les humains qui doivent être cachés des libellules et qui doivent apprendre à voir sans être vus.

Il s’agit de susciter la curiosité des visiteurs et de les inciter à contempler leur environnement dans son ensemble, de prêter attention aux détails qu’ils ignorent dans la vie quotidienne. L’installation les invitera également à s’interroger sur les besoins des animaux qui les entourent et à la façon dont leurs activités les impactent.

L’objectif principal de cette installation est de permettre de créer de nouveaux récits autour des libellules qui soient fondés sur la façon dont ces insectes vivent, leurs relations avec leur environnement et les humains, leurs perceptions sensorielles. Nous nous appuyons sur les perceptions des libellules (la vue et les vibrations) mais aussi sur le fait qu’elles vivent dans deux milieux différents au cours de leur vie. En effet, les larves sont aquatiques alors que les adultes vivent hors de l’eau. Les larves sont généralement ignorées des humains, on ne les voit pas et elles ne bénéficient pas de l’image positive des adultes. Cette dualité est à la fois un point de départ pour la contemplation et pour la réflexion autour de notre rapport à la nature. 

C’est une installation qui dit toute l’importance de préserver l’équilibre d’un écosystème, même si cela implique (toujours) de cohabiter avec des insectes, plantes et animaux qui sont perçus comme indésirables. C’est le cas notamment des moustiques (qui font l’objet d’une autre installation avec laquelle celle-ci dialogue). Ils occupent pourtant une place indispensable dans les zones humides ; les libellules adultes s’en nourrissent. L’installation dialogue également avec les installations pour les nénuphars (où les libellules se posent) et les papillons (les libellules les mangent). Cette installation pose la question de la place différenciée que l’humain accorde à chacune de ces espèces et invite les visiteurs à réinterroger leur rapport à la nature en général et aux insectes en particulier.

Constance Hauzy

Des imaginaires autour de la libellule