La vie à un fil, l'épeire diadème
#02
Architecture, master ENSAPLV
Heidi Eder
Texte, master IEDES
Édouard Beaudot
L'objectif de l'architecture est de créer un refuge discret pour les araignées pour montrer leur importance écologique et leur talent pour tisser des toiles. Une œuvre d'art inspirante doit être créée entre l'architecture et la toile d'araignée afin de faire passer la perception des visiteurs de la peur à la fascination.
Un emplacement stratégique est choisi pour assurer l'approvisionnement en nourriture des araignées. La structure de l’invite doit faciliter la construction de leurs toiles de chasse. De nombreux points de fixation sont prévus pour permettre aux araignées de tisser leurs toiles.
La conception de la structure est basée sur les propriétés physiques de la toile d'araignée. La structure en tenségrité est une interprétation des tensions présentes dans la toile. Les araignées sont invitées à adopter cette structure artificielle et à se l'approprier comme nouvel habitat.
Heidi Eder
L'araignée est un arthropode doté de huit pattes articulées, un corps segmenté en deux parties distinctes – le céphalothorax et l'abdomen - et souvent recouvert d'un exosquelette dur et poilu. Elle possède généralement des crochets venimeux à l'avant de son corps, ainsi que plusieurs paires d'yeux disposées selon les espèces.
Son apparence varie considérablement d'une espèce à l'autre, allant de petites araignées discrètes à de grandes espèces imposantes. Le cycle de développement des araignées se déroule sur une année, entre la ponte et la maturation jusqu’à l’âge adulte, ponctuée de plusieurs mues.
Les araignées habitent une grande variété de lieux : déserts, forêts (tropicales, tempérées), prairies, zones urbaines et humides. Elles peuvent occuper des niches écologiques variées en fonction de leurs adaptations spécifiques. Il existe une grande variété de mode d’occupation de l’environnement (araignées diurnes, nocturnes; chasseuses actives, passives; camouflées…).
Les espèces qui nous intéressent sont adaptées aux environnements humides dans leurs comportements, physiologie et régime alimentaire. Par exemple, certaines espèces peuvent passer une partie de leur cycle de vie sous l’eau, construire des toiles hydrophobes où chassent des proies que l’on trouve spécifiquement dans les zones humides.
En tant que prédateurs, les araignées occupent une position intermédiaire ou supérieure dans la chaîne alimentaire. Opportunistes, elles se nourrissent principalement d’insectes (moustiques, mouches, collemboles, pucerons…). Elles jouent un rôle de régulateurs. Ainsi, leur présence influence la densité et la diversité des populations d'insectes, ce qui peut à son tour affecter les populations d'oiseaux, de petits mammifères et d'autres prédateurs qui se nourrissent d'insectes. Il faut noter que les araignées sont aussi des proies pour les oiseaux, certains insectes (guêpes notamment), les poissons, les amphibiens, les rongeurs, et d’autres espèces d’araignées.
Les araignées jouent un rôle bénéfique pour la régulation d’espèces nuisibles à l’homme (mouches, moustiques). « L’araignée est signe de maison saine » entend-on souvent. En agriculture, elles sont également très utiles du fait de leur régime opportuniste, elles permettent de réguler les ravageurs agricoles. Elles sont également utilisées comme espèce bio-indicatrice, un milieu rempli d’araignées est un milieu riche en biodiversité.
Les araignées génèrent également peur et phobie et sont associées dans les imaginaires collectifs au mystère, à l’occulte, au dégoût, au danger ou encore à la patience.
Notre récit s’articule autour de l’imaginaire associé aux araignées et de ses représentations. Ici, c’est l’imaginaire néo-gothique et symboliste de la fin du XIX et du début du XXe siècle qui sera utilisé. Les références culturelles étant celle des forêts marécageuses (« Forêt lépreuse » de William Degouve de Nuncques), des grottes montagneuses (« Arachne », J.R.R Tolkien), ou encore de la photographie de femalepentimento. Notre idée consiste en la réappropriation de l’imaginaire freak ; en effet, les araignées sont essentielles à l’écosystème et signes d’une biodiversité riche, mais inspirent la peur et finissent le plus souvent chassées ou tuées. Notre structure flottante est donc un antre gothique pour les araignées, un havre. Elles peuvent s’y réfugier, y tisser leur toile, chasser et se reproduire. Le lieu a été conçu pour être à la fois discret et s'intégrer dans l'environnement, tout en étant ludique et insolite, à l'image de ses habitantes. Il est inspiré du maximalisme visuel et des détails de l'art gothique. En utilisant un matériau linéaire, il s'est agi de créer une architecture à plusieurs niveaux qui s'intègre dans l'environnement naturel. Concrètement, le lieu est une interface entre le sous-sol, le sol et le milieu aquatique. La structure part d’un trou à flanc des rebords de l’étang, et s’étend sur le sol puis le milieu aquatique. Elle s’inspire des cathédrales et châteaux gothiques de l’ouest européen (Clermont-Ferrand, Cologne…), où les araignées peuvent se réfugier et tisser leur toile. Il nous a semblé important d’avoir de nombreux points d’accroches à partir desquels les araignées peuvent recouvrir la structure de leurs toiles. Ainsi, plus qu’un lieu de refuge, les araignées sont, elles aussi, architectes.
Ce texte à servi au démarrage d’un premier projet qui a finalement évolué dans le sens d’une performance structurelle, point commun entre architecture gothique et animale.
Édouard Beaudot