L’archipel des moustiques
#05
Architecture, master ENSAPLV
Angel Alejandro Soto Martinez
Texte, master IEDES
Léo Varrasso
"Colonization Island" is created using a wooden plank and cork with the aim of providing a nesting site for mosquitoes near water. Its shape is based on the representation of French-colonized islands.
The link between Mayotte and New Caledonia and mosquitoes lies in their shared environment, which provides ideal conditions for mosquito breeding and proliferation. These islands' tropical and subtropical climates, along with stagnant water sources, create habitats conducive to mosquito populations. As a result, mosquitoes thrive in these regions, posing challenges such as the transmission of vector-borne diseases. However, this also fosters opportunities for scientific research, public health initiatives, and the development of effective mosquito control strategies.
Angel Alejandro Soto Martinez
Le statut fluctuant de l’animal puise à plusieurs sources idéologiques, imaginaires et symboliques. Dans le rapport direct et intime au corps, l’insecte est perçu comme nuisible ; il incarne alors l'animal qui harcèle le dormeur en agissant à son insu. Plus encore dans la tradition judéo-chrétienne, on n’est guère plus disposé à l’égard de l’insecte. Dans l'Exode, il incarne le troisième fléau lancé par le Seigneur contre Pharaon qui refuse de libérer le peuple juif. Dans la Genèse, le « moustique biblique » est aussi l’insecte de la chute. Il apparaît lorsque la terre dégénère en une nature répugnante contrairement à l’abeille, « le seul animal qui nous reste du paradis perdu ».
Le moustique, dépendant des zones humides, partage l’histoire de ces milieux. Territoires marginaux, abandonnés aux pauvres, les marais étaient, jusqu'au début du XXe siècle, associés aux puanteurs et aux maladies (paludisme, fièvres et infections). L'éradication des moustiques était même une condition considérée comme essentielle au développement du tourisme. Dans cet élan de modernité d’après-guerre, de nombreuses politiques de lutte contre les moustiques ont été initiées à la fin des années 1950 dans différentes régions.
A l'aune des critiques croissantes de notre modernité meurtrière, l'héritage anthropocentrique cède peu à peu la place à un certain biocentrisme, une conception du monde qui place la nature au centre de ses préoccupations, ramenant l'homme au niveau de destructeur, et prônant la protection des écosystèmes, de leur biomasse et de leur biodiversité.
Malgré cela, le moustique est facilement assimilé à la figure du vampire sanguinaire, mais contrairement à d'effrayantes légendes, ce vampire ne cherche pas tant à voler la vie qu'à maintenir l'équilibre délicat de son écosystème. Il prend une goutte de sang par-ci, une bouchée par-là, ne prenant que ce dont il a besoin pour survivre. Dans cette danse de la vie et de la mort, il devient un maillon essentiel de la chaîne alimentaire, régulant les populations d’insectes et assurant la pérennité des écosystèmes.
Comme un vampire nécessaire. Sa piqûre, bien que dérangeante, n'est finalement qu'un rappel doux-amer de notre dépendance mutuelle dans la symphonie de la vie. C'est pourquoi l'abri anti-moustique que nous avons imaginé pourrait nous inviter à reconsidérer la place du moustique au sein de notre imaginaire entre danger et nécessité, entre peur et fascination. Malheureusement aujourd’hui, au lieu de trouver refuge et compassion, le moustique est souvent accueilli avec hostilité et méfiance. Ses piqûres, autrefois considérées comme une nuisance mineure, sont désormais perçues comme une menace sérieuse pour la santé publique, renforçant ainsi les préjugés à son encontre.
Il semble donc que le moustique incarne à la fois la fragilité de la nature face aux pressions de la modernité et la résilience des êtres vivants qui cherchent à s’adapter aux changements.
En résumé, la beauté paradoxale du moustique réside dans sa capacité à incarner à la fois des aspects esthétiques attrayants, des fonctions écologiques importantes et des interactions complexes avec les humains et d’autres organismes. Cette dualité fait du moustique un sujet d’étude fascinant qui invite à une réflexion approfondie sur notre relation avec le monde naturel.
Léo Varrasso