Une assiette fleurie
#03
Architecture, master ENSAPLV
Chloé Jarlier
Texte, master IEDES
Baptiste Lesieur
« Le restaurant de l‘étang » se compose d’une grande structure circulaire légère et discrète rappelant une assiette, dans la quelle se développe un véritable festin pour la population de l’étang !
De l’extérieur, le visiteur peut observer un cercle composé de tiges de bambou nain sur lequel trône une branche en bois flotté, permettant au pothos de grimper et ajouter du feuillage à la composition. Ce cercle est entouré de nénuphars et abrite en son centre des callitriches des marais, nourriture appétissante pour les petits poissons. De la fibre de coco et une fine plaque de liège noir permettent la flottaison de ce jardin ambulant. Les racines des plantes offrent un abri idéal à de nombreux animaux, les nénuphars un endroit de repos, et les fleurs attirent insectes et pollénisateurs.
Cette installation inspirée de l’ikebana, l’art de la composition florale japonaise, créé un lien entre observateur, animal et végétal avec un écosystème bien rodé.
Chloé Jarlier
Dans l'atmosphère tranquille du bois de Vincennes, un étang sommeille paisiblement, ses eaux calmes teintées du reflet rouge du Temple du Souvenir Indochinois. Au cœur de cet écrin naturel, une petite structure architecturale flottante émerge, presque discrète, mais portant en elle quelque chose d’imperceptible, et pourtant quelque chose qui nous dépasse.
Les visiteurs, attirés par la curiosité, s'aventurent timidement vers cette installation singulière, se demandant quels secrets elle peut bien renfermer. Tout autour d'eux, une végétation luxuriante, contraste criant avec le Paris bouillonnant, s'épanouit, s'entremêle avec grâce et mystère, ignorant tout de la capitale et de son rythme effréné. Car dans ce bois de Vincennes, sur cet étang minuscule, une petite structure flottante abrite une vie abondante, mais qui pourtant vit au ralentit, au rythme des saisons, sans se soucier du reste du monde.
La faune, qu’elle soit petite ou microscopique, y est abondante, mais invisible pour les yeux qui ne s’y attardent pas. Seulement, quand on s’approche un peu plus de cette structure flottante, on peut alors découvrir toute une vie parallèle à la nôtre, une organisation presque millimétrée, bien que complètement naturelle. Il est 13h, l’heure du déjeuner. Les petites bêtes vont çà et là, traversent l’étang à la recherche d’un casse-croûte. Ils ne trouvent que quelques petits fast-foods, des petites herbes par-ci et par-là̀, rien de très consistant... Jusqu’à ce qu’elles passent devant cette étrange construction, où tout autour surgissent des plantes succulentes ; il y en a pour tous : petits, grands, microscopiques, oiseaux, poissons, insectes.
Le Crous de l’Étang est ouvert à tous 24/24. La particularité de ce restaurant, c'est que ceux qui sont venus pour manger doivent s'attendre à servir eux aussi de déjeuner à un client plus gros.
Parmi les plantes se montrant dans ce restaurant flottant, se démarquent les nénuphars, leurs larges feuilles flottantes servant de table aux grenouilles, un bouquet de fleurs au milieu de la table. C'est la Saint-Valentin tout l'été.
Non loin de là, les callitriches tapissent la surface de l’assiette, créant un tapis vert éclatant, un tapis qui plus est comestible. C'est le plat de résistance, les petits poissons en raffolent, mais ils ne sont pas tout seuls à l'adorer, ils doivent partager ce repas avec les petits oiseaux.
Autour du restaurant, le pothos grimpant et les roseaux servent de paravent. Ils isolent les clients du reste de l'étang, offrant un cadre serein et calme pour le déjeuner, la lumière du soleil filtrée par les tiges et le feuillage dense, gratte ciels pour cette faune dans cet écosystème si minime.
Quand on visite le Jardin d'agronomie tropicale, on a plutôt tendance à s'arrêter sur ce qui est grand, ce qui nous dépasse, ou à ce qui a traversé les âges. Le pavillon Indochine, la grande porte chinoise de l'entrée, le pavillon tunisien. Nous, nous vous invitons à vous pencher sur ce qui est petit et éphémère. Plutôt que de laisser les choses venir jusqu'à nos yeux, il faut faire l'effort de plonger notre regard dans ce qui ne surgit pas immédiatement. Et puis, au détour d'une feuille de nénuphar ou d'une fleur d'utriculaire, les visiteurs peuvent découvrir soudainement un petit coin de paradis caché.
Baptiste Lesieur